mercredi 26 février 2014

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mardi 25 février 2014

Lorsqu'un touriste coréen raconte l'histoire de l'onction à Béthanie...

Arcabas, Polyptique "Passion-Résurrection", 2e volet, 2003,
Montaigu (Scherpenheuvel), Belgique.
Image trouvée sur le site de l'Abbaye Notre-Dame de Leffe,
connue aussi pour sa bière, mmm...
D’abord, un mot d’explication. C’est sous forme d’un récit complètement imaginaire que la prédication a fait écho à l’histoire biblique ce dimanche. Il y a deux raisons pour ce choix inhabituel.

Premièrement, en tant que pasteur stagiaire, je suis constamment encouragé à faire des essais à la recherche de mon style et de mes limites. J’ai l’immense bonheur d’être, cette année, sous la « couverture » de mon maître de stage, pasteur René Perret, auprès duquel je ne cesse d’apprendre. Je suis heureux également de me trouver dans une paroisse dont l’atmosphère est bienveillante et fraternelle. C’est avec confiance que j’ai osé préparer une prédication sous une forme théâtrale que je n’avais jamais pensé être capable de faire. Mais soyez rassurés, mes prédications ne seront pas toujours aussi fantaisistes.

La deuxième raison concerne le contenu du message. En effet, je voulais nous inviter à réfléchir sur ce qu’on est en train de vivre, c’est-à-dire partager la foi chrétienne dans le Val-de-Travers, loin du pays de Jésus-Christ, en présence d’un pasteur stagiaire venu de Corée, également loin du pays de Jésus-Christ.

Soit dit en passant. Mon souci principal, en tant que prédicateur, reste toujours le même : prier pour recevoir la parole à partager, penser à quoi dire plutôt qu’à comment dire, chercher la manière la plus appropriée possible au message qui m’a touché.

(Ce message fait la suite de l'histoire brièvement racontée dans Elan du mois de février 2014 [télécharger ici]. A l'occasion d'un culte des jeunes, je l'avais élaborée un peu plus : "En haut de l'arbre, Zachée et un touriste coréen".)

Mc 14,1-9 (trad. BFC)

(Mot d’introduction) Nous sommes quelques jours avant la fête de la Pâque. Le temps de la mort et de la résurrection de Jésus est imminent. Jésus et ses disciples arrivent à Jérusalem en parcourant le pays. Juste avant l’arrivée, ils avaient traversé Jéricho, une ville située d’environ 25 kilomètres de l’est de la capitale. Un événement important s’y était produit : selon Matthieu et Marc, une guérison d’un ou deux aveugles avait eu lieu, tandis que, selon Luc, il y avait eu une rencontre extraordinaire entre Jésus et Zachée. Jésus est maintenant à Béthanie, un bourg tout près de Jérusalem, à moins de 3 kilomètres à l’est.

1On était à deux jours de la fête de la Pâque et des pains sans levain. Les chefs des prêtres et les maîtres de la loi cherchaient un moyen d’arrêter Jésus en cachette et de le mettre à mort. 2Ils se disaient en effet : « Nous ne pouvons pas faire cela pendant la fête, sinon le peuple risquerait de se soulever. »
3Jésus était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux ; pendant qu’il était à table, une femme entra avec un flacon d’albâtre plein d’un parfum très cher, fait de nard pur. Elle brisa le flacon et versa le parfum sur la tête de Jésus. 4Certains de ceux qui étaient là furent indignés et se dirent entre eux : « A quoi bon avoir ainsi gaspillé ce parfum ? 5On aurait pu le vendre plus de trois cents pièces d’argent pour les donner aux pauvres ! » Et ils critiquaient sévèrement cette femme. 6Mais Jésus dit : « Laissez-la tranquille. Pourquoi lui faites-vous de la peine ? Ce qu’elle a accompli pour moi est beau. 7Car vous aurez toujours des pauvres avec vous, et toutes les fois que vous le voudrez, vous pourrez leur faire du bien ; mais moi, vous ne m’aurez pas toujours avec vous. 8Elle a fait ce qu’elle a pu : elle a d’avance mis du parfum sur mon corps afin de le préparer pour le tombeau. 9Je vous le déclare, c’est la vérité : partout où l’on annoncera la Bonne Nouvelle, dans le monde entier, on racontera ce que cette femme a fait et l’on se souviendra d’elle. »

(J’entre, tranquillement, en costume traditionnel coréen, chapeau à la tête, sac à dos – un carnet et un crayon dedans, appareil photo autour du cou. En prenant l’assemblée comme ses compagnons de voyage)

Quelle journée, encore, n’est-ce pas ! Vous le trouvez comment, vous, ce voyage en Israël ? Moi, franchement, ce n’est pas ce que j’attendais. Le programme prévoyait de nous faire visiter tous les lieux principaux du pays, mais je crois que notre guide-interprète s’en fiche complètement. Et d’ailleurs, à mon avis, il ne va pas bien.

Je vous l’ai déjà dit ; il est vraiment bizarre depuis ce qui s’est passé il y a une semaine à Jéricho. Oui, depuis qu’il a vu changer complètement ce petit homme. Comment il s’appelait déjà ? Ah, oui, Zachée, le chef des collecteurs d’impôts de la ville. Depuis que ce petit homme a donné la moitié de ses biens aux pauvres et réparé ses torts en remboursant quatre fois autant, le guide-interprète non plus, il n’est plus la même personne.

Et nous alors : normalement, en ce moment, nous devrions être en train de faire la fête à Jérusalem. La ville est en pleine préparation des cérémonies de la Pâque. Mais au lieu de nous faire visiter la capitale où les événements de l’année se passent, qu’est-ce qu’il fait ? Il suit un jeune prophète et sa bande de marcheurs. Et nous voilà dans une banlieue sans intérêt, où rien ne se passe ! Mais rien du tout ! Vous vous rappelez comment le guide-interprète nous a fait marcher ce matin ? Comment il nous a fait perdre une journée de voyage dans un endroit aussi paumé ?

Non, allez-y sans moi. Je suis un peu trop fatigué pour boire. J’aimerais plutôt passer une soirée tranquille pour écrire une lettre à ma famille en Corée. Bonne soirée et à demain !

(pose les affaires, prend cahier et crayon et commence à écrire)

Béthanie, 14e jour après la 2e pleine lune de l’année

Chérie,

Comment vas-tu ? Et les enfants ? Moi, je vais bien. Par contre, mon voyage prend une drôle d’allure depuis l’histoire à Jéricho que je t’ai racontée dans ma précédente lettre.

Je suis actuellement à Béthanie, tout près de Jérusalem. Normalement c’était prévu comme un village d’étape, mais notre guide-interprète ne cesse de bouleverser le programme ces jours-ci. A vrai dire, il ne s’intéresse plus à son travail de guide-interprète. Il ne pense qu’à un jeune prophète, prénommé Jésus, qu’il croit l’origine de l’événement à Jéricho. Il ne parle plus que de lui. Il fait tout pour le suivre, et moi, je n’ai pas d’autre choix que de le suivre comme les autres du groupe de voyage ! Et oui, qu’est-ce que je peux faire sans le guide-interprète ? La langue qu’on parle ici, pour moi, c’est de l’hébreu !

Ce matin, je croyais que nous irions enfin visiter Jérusalem. Mais non. Nous sommes restés à Béthanie. A peine arrivé à l’auberge où nous logeons, le guide-interprète nous a dit qu’il allait changer le programme de la journée – encore une fois – et que nous allions chez un lépreux du village. Mais ça va pas, non ? Je ne suis quand même pas venu en Israël pour voir des malades que je peux voir aussi chez nous !

Mais nous avons été finalement d’accord. Selon le guide-interprète, le jeune prophète, dont il est fou actuellement, est aussi un guérisseur hors du commun ; donc, s’il se rend chez un lépreux, selon lui, c’est évident : c’est pour le guérir. Le guide-interprète n’arrête pas de nous dire que ce jeune prophète est un homme exceptionnel, avec des forces incroyables, quelqu’un qui va peut-être libérer son peuple de l’emprise des Romains – les Romains ici, sont un peu comme les Chinois chez nous – et rétablir un royaume juste sur la terre.

Donc, j’ai passé toute la journée chez un lépreux. Appareil photo à la main, j’attendais le moment de la guérison miraculeuse… qui n’a jamais eu lieu. Mais un tout autre événement s’est produit.

Au milieu du repas, je vois une femme se rapprocher discrètement du jeune prophète à table. Elle fait un geste, et la maison est sens dessus dessous ! Je demande au guide-interprète ce qui se passe. Il me dit que la femme avait versé un flacon de parfum précieux sur la tête du prophète. Un parfum d’une valeur – écoute bien – d’environ un an de salaire ! Chérie, je te rassure ; apparemment, il n’y avait pas que moi qui pensais que ce gaspillage était insensé. Le guide-interprète était tout gêné de nous traduire les cris d’indignation des gens. La dureté des propos à l’égard de cette femme produisait un étrange contraste avec l’odeur si agréable du parfum répandue dans toute la maison.

Bouche bée, le guide-interprète tente de nous expliquer, ou plutôt il tente de comprendre. D’après la tradition de ce pays, il y aurait deux possibilités : soit la femme prend le jeune prophète pour un roi, soit elle le prend pour son amoureux.

Mais le vrai problème n’était pas là pour le guide-interprète. Ce qui l’a « achevé », c’est la phrase que le jeune prophète aurait prononcée comme son interprétation du geste de la femme : il va mourir ! le parfum versé serait la préparation de son corps embaumé pour le tombeau ! Alors là, le guide-interprète était fou furieux.

« Quoi ? Il va à Jérusalem pour mourir ? Ce Jésus, il nous crève le cœur ! Et nous ? Et moi ? Qu’est-ce qu’on va faire ? Qu’est-ce qu’on va devenir ? Je commençais à croire que peut-être c’était lui, le Messie que nous attendions. Mais un Messie qui annonce sa mort avant même de combattre. On aura tout vu ! »

Chérie, je ne comprends pas ce qui se passe ici. Mais j’ai envie de te raconter cette histoire car cela me touche. Le geste de la femme, aussi bien insensé que beau, m’émeut. Ce jeune prophète, que le guide-interprète adore et déteste tour à tour, il m’intrigue.

Ah, il aurait aussi dit que « partout où l’on annoncera la Bonne Nouvelle, dans le monde entier, on racontera ce que cette femme a fait ». Je ne sais pas ce que c’est cette « Bonne Nouvelle », mais je suis sûr que l’histoire de la femme sera racontée au moins en Corée, puisque je te la raconte.

Ma chérie, tu me manques. Embrasse les enfants. Salue les amis. Je t’aime.

Je ramasse mes affaires et sors.

(Phrase musical)

Je rentre en courant, feuillette à la main.

Bonjour ! Excusez-moi, je voudrais envoyer un télégramme à ma femme en Corée. C’est urgent. Voici le texte.

Jésus mort (stop) cadavre disparu (stop) guide-interprète fou (stop) disciples de Jésus aussi (stop) auraient vu Jésus vivant (stop) raconte aux enfants.

(voix off, Dt 6,4.7) Écoute, peuple d’Israël : Le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. […] Tu enseigneras [ses paroles] à tes enfants ; tu en parleras quand tu seras assis chez toi ou quand tu marcheras le long d’une route, quand tu te coucheras ou quand tu te lèveras.

Raconte aux autres.

(voix off, Ac 1,8b) Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’au bout du monde.

Raconte.

mardi 18 février 2014

Atelier sur le sens du culte

Pages de Eglise_de_temoins_Anim4 - Version 2
(photo issue de l'exposition "Eglise de témoins", détail)
22 mars (15h-16h40) Pourquoi aller au culte ?
26 avril (15h-17h) Que signifient les gestes du culte ?
24 mai (15h-17h) Qui parle à qui dans un culte ?
28 juin (15h-17h) Pour qui le pain et le vin ?
J'organise un atelier qui aborde des questions qui peuvent surgir autour du culte, cet acte fondamental de la foi chrétienne. Mensuel et ouvert à tous, il aura lieu à la salle paroissiale de Môtiers (Rue Centrale 5 - 2112 Môtiers). Il ne prétend pas donner de « bonnes réponses » mais indiquer quelques pistes afin que chaque participant-e puisse approfondir sa réflexion sur sa vie spirituelle. Peut-être mettrai-je des notes au fur et à mesure que la préparation avance.

dimanche 9 février 2014

"Tentation" ? A propos de la nouvelle traduction catholique romaine du Notre Père


(Hans-Christoph Askani)
Les interventions tant explicatives que contestataires se multiplient autour de la nouvelle traduction officielle liturgique de la Bible de l’Église catholique romaine, parue en novembre 2013. La prière « Notre Père » y est modifiée. Cela au détriment du texte œcuménique adopté en 1966 dans les pays francophones. La révision de la sixième demande est au cœur du débat : « Et ne nous soumets pas à la tentation » devient « Et ne nous laisse pas entrer en tentation ».
Un article fort intéressant est paru à ce sujet. Il s’agit d’un texte de Hans-Christoph Askani, professeur de la théologie systématique à la faculté de théologie de l’université de Genève :  "Une tentation demi-écrémée. A propos de la nouvelle traduction du Notre Père"C’est un texte provisoire dont la version définitive sera publiée dans la revue Etudes théologiques et religieuse (ETR) cette année. Il montre, à notre avis, de manière juste et approfondie les enjeux autour de cette nouvelle traduction.
Vous en trouverez ci-dessous deux compte-rendus : le premier, par Julie, résume les enjeux d'une manière qui essaie d'être synthétique ; le second, de Hyonou, entre un peu plus dans les détails. Vous pouvez trouver l’article provisoire dans son intégralité en cliquant ICI (sous la rubrique « Publications récentes »). N’hésitez surtout pas à le lire ; nous ne pouvons jamais trop recommander ce théologien !


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Résumé (synthétique)

A l'origine de cette traduction révisée du Notre-Père, une prise de position : si Dieu est bon, alors il ne peut pas vouloir nous induire en tentation. C'est pourquoi le texte proposé dans la nouvelle Bible liturgique catholique romaine est passé de "Ne nous soumets pas à la tentation" à "Ne nous laisse pas entrer en tentation", une formulation qui laisse la responsabilité finale d'entrer ou non en tentation à la personne qui prie et non à Dieu. 

La question de la traduction

Le premier problème posé par cette révision est un problème de taille : il s'agit bien de traduire le texte grec, en y restant aussi fidèle que possible. Or, le grec de l'évangile de Matthieu est sans ambiguïté : "Ne nous soumets pas à la tentation" et il n'y a pas moyen, de quelque manière qu'on s'y prenne, de traduire "Ne nous laisse pas entrer en tentation". C'est tout simplement impossible.

Par quel tour de passe-passe parvient-on donc à justifier cette traduction ? On part du raisonnement suivant : Jésus, selon toute vraisemblance, ne parlait pas grec, mais plutôt hébreu ou araméen. Il n'a donc jamais dit le Notre-Père dans les mots rapportés par l'Evangile de Matthieu, mais un équivalent en araméen. L'idée est donc d'effectuer ce qu'on appelle, en exégèse, une rétroversion : c'est-à-dire qu'on propose, à partir du grec, une hypothèse de ce qu'aurait pu être l'original araméen. C'est par ce biais qu'on arrive à la nouvelle traduction, en reconstituant un texte araméen qui dirait quelque chose comme "Ne nous laisse pas entrer en tentation." 

Le gros problème est le suivant : au lieu de se baser sur le seul texte dont on dispose - le grec de l'évangile de Matthieu - on fait une hypothèse de reconstitution (avec toutes les précautions et la marge d'erreur que cela suppose) à laquelle on décide d'accorder plus de valeur qu'à l'unique texte original, le texte grec !

Cela pose évidemment une question fondamentale : quel statut accordons-nous au texte biblique ? Sommes-nous prêts à nous laisser bousculer par un texte qui nous dérange, ou bien tentons-nous par tous les moyens de faire coller le texte à nos idées préconçues ?

La question théologique

L'intention de dégager Dieu de toute responsabilité dans la tentation, dans laquelle l'être humain pourrait ou non choisir librement d'entrer, peut paraître louable. Cependant, est-ce que cette intention traduit une juste compréhension de la tentation ? S'agit-il ici des tentations morales de la vie quotidienne (manger encore un carré de chocolat, tromper son conjoint) ou d'une tentation plus fondamentale qui est constitutive de la relation à Dieu ? Une tentation qui, comme le montrent par exemple les récits bibliques de la tentation de Jésus au désert ou de sa prière au mont des Oliviers, serait la tentation de vouloir définir soi-même l'identité de Dieu, sa volonté ou sa relation avec lui ? 

Dans ce cas, cette nouvelle traduction, en voulant "protéger" Dieu d'un rôle de tentateur, céderait précisément à cette tentation : celle de vouloir maîtriser l'image de Dieu en en effaçant les zones d'ombres qui nous déplaisent.


Julie
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Compte-rendu (un peu plus détaillé)

Selon l’auteur, l’idée principale sous-jacente à la révision de la 6e demande du Notre Père est la suivante : des tentations existent, mais Dieu ne peut être leur auteur. La nouvelle traduction veut montrer un « Dieu beaucoup moins “malveillant” […] moins actif dans les affaires de la tentation » (p. 1-2).
L’auteur examine la légitimité de cette révision à travers les enjeux philologique, œcuménique et théologique (l’a. met de côté les enjeux poétique et liturgique dans cet article).

Aspect philologique
L’a. explique la situation textuelle : le texte du Nouveau Testament écrit en grec peut être repensé à partir de l’araméen et/ou de l’hébreu, car Jésus a dû parler et prier en ces langues sémitiques. Il expose également les méthodes dont on dispose pour mener cet examen philologique pour les textes bibliques. 
Les données sont pourtant claires : « La majorité écrasante des occurrences du mot [ndlr : celui qui est traduit en français comme « soumettre » ou « laisser entrer »] a le sens causatif : apporter, faire entrer » (p. 3). La conclusion, de manière ironique mais tout à fait juste, est pour le moins surprenant : « […] si la nouvelle traduction est juste, alors le texte biblique est fautif. Les évangélistes Matthieu et Luc se sont trompés ! […] en traduisant maladroitement une hypothèse de traducteurs. Car […] le texte dans la forme présupposée [ndlr : la nouvelle traduction du mot] en hébreu n’existe pas. C’est le coup de génie dont j’ai parlé : on a inventé (ou construit) un nouveau texte original » (p. 4). 

Aspect œcuménique
En retraçant l’origine et le processus de la nouvelle traduction, l’a. fait comprendre qu’il s’agit d’une initiative dont la perspective et l’horizon sont de l’Église catholique romaine. Il souligne la légitimité de cette entreprise en notant que cela reflète la situation œcuménique actuelle où on constate un certain tassement de l’enthousiasme après Vatican II.
L’a. n’oublie pas de saluer l’Église catholique, « soucieuse […] de ne pas mettre les frères et sœurs des autres confessions devant un fait accompli », qui a sollicité l’avis, respectivement auprès de la Fédération protestante de France (FPF) en 2010 et de la Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS) en 2011. Concernant la question œcuménique, la critique de l’a. se dirige vers sa tradition : «  […] en France par exemple une consultation des Églises protestantes n’a pas eu lieu ; en Suisse, les facultés de théologie n’ont jamais été consultées ; [la FPF et la FEPS] signalaient cependant que l’on ne voyait pas de problèmes majeurs dans la nouvelle version » (p. 5). Cette attitude pose un grave problème pour l’a., car elle fait surgir des questions qui bouleversent « l’image que normalement les protestants se font d’eux-mêmes » (ibid.).
L’a. prend comme un des exemples symptomatiques la question du sola scriptura (« Écriture seule », une des idées fondamentales de la Réforme au 16e siècle) : « […] la question du rapport à l’Écriture n’est pas une question formelle, elle est la question : sommes-nous prêts à nous laisser dire quelque chose par le texte biblique, même si cela ne nous arrange pas ? Sommes-nous prêts à nous laisser bouleverser, réorienter – au plus profond – renouveler par la parole de Dieu, ou est-ce que c’est nous-mêmes qui sommes le critère de ce que le texte biblique a à dire (et a le droit de dire) ou non. C’est au fond cette question qui est l’enjeu du débat actuel autour du Notre Père » (p. 5, n. 6). L’a. passe sans attendre à la question la plus importante.

Aspect théologique
Selon l’a., au cœur de la problématique concernant la nouvelle traduction de la 6e demande du Notre Père se trouve un grand malentendu sur la signification de la tentation dans cette prière. Il ne s’agit pas ici de tentations « mondaines » ou morales (jeux vidéo, pédophilie, exploitation de la terre, recherche du profit, etc.) mais d’une « tentation beaucoup plus sérieuse […], la tentation […] que nous courons avec notre foi ; un risque, un pari, un excès auxquels nous sommes confrontés si nous croyons en Dieu – et seulement de cette manière-là. La tentation “Dieu”, pour le dire en un mot » (p. 6).
Car la vie chrétienne ne se réduit pas à un comportement moral ; elle est de bout en bout un chemin pour la découverte de Dieu où non seulement « le vrai défi mais aussi le vrai abîme de la foi entrent en jeu » (ibid.). Défi, car avec la foi, l’homme s’ex-pose – c’est-à-dire qu’il risque de sortir de lui-même pour un déplacement existentiel – à la rencontre avec Dieu. Mais aussi, abîme, car celui qui croit  ne connaît pas seulement la joie de vivre avec Dieu, mais « aussi – et plus profondément que celui qui ignore cette dimension – le doute, le désespoir, le néant, l’angoisse, l’illusion, la fausse consolation, l’orgueil, la confusion de l’homme avec Dieu » (ibid.). La foi et la tentation sont indissociables ; plus la foi devient sérieuse, plus la tentation le devient aussi.
Selon l’a., la nouvelle traduction du Notre Père correspond au projet de l’homme moderne qui veut « à tout prix chasser tout l’ombre d’une expérience de Dieu » dans la perspective de mettre toute réalité dans sa maîtrise ; le plus grand souci de l’homme moderne est « de protéger non seulement l’homme contre les tentations, mais Dieu aussi et Dieu surtout ! Qu’il n'ait rien à faire avec les tentations ! Qu’il soit disculpé ! Qu’il se contente de se tenir devant la porte qui conduit à une zone dangereuse ! Qu’il occupe dans le sens littéral du mot – une place marginale » (p. 7).
(Jérôme Bosch, "Tentation de St Antoine")
L’a. illustre ces propos en examinant deux textes bibliques : récit de la tentation de Jésus dans le désert (Mt 4,1-11) et celui de Gethsémani (Mc 14,32-42 et parallèles). Il montre que ce qui est en jeu dans ces récits est le rapport de Jésus avec Dieu. Face au désespoir de sa condition humaine ou de son destin, Jésus choisit d’accepter que Dieu soit son Dieu.

L’a. propose de comprendre la 6e demande du Notre Père à la lumière de ces tentations que Jésus a vécues : « non pas que la tentation nous soit épargnée, mais que Dieu dans la tentation continue à être notre Dieu ! Et non seulement un Dieu lointain, mais le Dieu auquel nous pouvons nous adresser ; avec lequel nous pouvons parler parce que Jésus nous a appris qu’il nous écoute » (p. 9).


Hyonou



Résumé et compte-rendu de l'article provisoire de Hans-Christoph Askani, "Une tentation demi-écrémée. A propos de la nouvelle traduction du Notre Père", ETR, 2014 (à paraître).

mardi 28 janvier 2014

En haut de l'arbre, Zachée et un touriste coréen...


(Voici le texte qui a servi de prédication lors du culte des jeunes à St-Sulpice le dimanche 26 janvier. Peut-être devrais-je dire qu'il s'agit simplement du "script", car il perd son côté vivant quand il est lu sans être joué. La suite de l'histoire est en préparation pour le culte du 22 février à Môtiers et du 23 février à La Côte-aux-Fées. Je m'y déguiserai un peu autrement.)


Luc 19,1-10
1Après être entré dans Jéricho, Jésus traversait la ville. 2Il y avait là un homme appelé Zachée ; c'était le chef des collecteurs d'impôts et il était riche. 3Il cherchait à voir qui était Jésus, mais comme il était de petite taille, il ne pouvait pas y parvenir à cause de la foule. 4Il courut alors en avant et grimpa sur un arbre, un sycomore, pour voir Jésus qui devait passer par là. 5Quand Jésus arriva à cet endroit, il leva les yeux et dit à Zachée : « Dépêche-toi de descendre, Zachée, car il faut que je loge chez toi aujourd'hui. » 6Zachée se dépêcha de descendre et le reçut avec joie. 7En voyant cela, tous critiquaient Jésus ; ils disaient : « Cet homme est allé loger chez un pécheur ! » 8Zachée, debout devant le Seigneur, lui dit : « Écoute, Maître, je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres, et si j'ai pris trop d'argent à quelqu'un, je vais lui rendre quatre fois autant. » 9Jésus lui dit : « Aujourd'hui, le salut est entré dans cette maison, parce que tu es, toi aussi, un descendant d'Abraham. 10Car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. »

Narrateur : Le lendemain, dans la même ville, un touriste coréen écrit ses impressions de voyage.
(Entrée d'un touriste coréen)
Je suis là, je suis là. Ah, les chameaux ne sont pas encore prêts ? Combien ? 5 minutes ? Ben… alors, j’aurai le temps de noter ce qui s’est passé hier. Il faut que je l’écrive.
On est le troisième jour après la deuxième pleine lune, et c’est le quinzième jour de voyage en Israël.
Donc… Entrée dans la ville de Jéricho particulièrement compliquée. Notre guide-interprète avait l’air drôlement embêté par les péagers. Oui, j’ai dû prendre un guide-interprète parce que la langue qu’on parle ici, pour moi c’est de l’hébreu. Il y avait aussi un gros bouchon à cause de l’affluence des chameaux. Je me suis dit : « Chouette, s’il y a autant de monde, c’est que ça doit être un coin touristique renommé ».
Le programme du jour était : un peu de shopping d’abord – c’est quand même important – avant d’aller voir les vestiges des murailles tombées au temps de Josué.
Tout est cher ici ! La ville prélève énormément d’impôts et de taxes sur tout, mais l’installation et l’entretien de la ville sont plus que médiocres. Je me demande ce qu’ils font de tout cet argent. C’est à croire qu’ils s’en mettent plein les poches.
Notre guide-interprète nous avait promis de nous conduire à la meilleure boutique de Jéricho, mais là, la rue était inondée de gens. Impossible d’avancer sans bousculer les autres. Impossible de rester en groupe. A un moment donné, je me trouve seul. Je panique !
J’allais crier pour retrouver mon groupe, mais à ce moment-là, un grand bruit éclate dans la foule. Et tout le monde se met à bouger dans la même direction. Je ne comprends pas ce qui se passe, et je ne vois rien. Les gens d’ici sont tous plus grands que moi !
Alors, j’aperçois un arbre pas très loin. Je grimpe pour voir où est mon groupe, où est notre guide-interprète. Mais là-haut, je me trouve en face d’un autre homme, pas quelqu’un de mon groupe, mais un autochtone. Point commun : nous sommes petits tous les deux. Différence : je suis complètement désespéré, lui, il semble espérer quelque chose.
Je monte un peu plus haut que lui pour voir mieux. Tout à coup, c’est le calme. Je veux saisir l’occasion pour crier, mais, une voix me retient. Au centre de la foule, quelqu’un a levé les yeux pour s’adresser à ce petit homme. Celui-ci descend de l’arbre comme s’il tombait.
J’ai d’abord pensé qu’il s’était égaré de son groupe comme moi et qu’il avait retrouvé son guide. Mais non. Quand mon groupe s’est enfin retrouvé après une longue journée de galère, notre guide-interprète nous a raconté ce qui s’était réellement passé. L’homme que j’ai rencontré en haut de l’arbre était un homme détesté par toute la population de la ville. Notre guide-interprète l’appelait de tous les noms possibles : « pourriture », « ordure », etc. Il nous racontait tout ça, parce que selon lui, cet homme avait complètement changé d’un instant à l’autre. Si j’ai bien compris, après un dîner. Peut-être devrais-je faire plus attention à ce que je mange ici.
Bon, j’ai du mal à comprendre qu’une personne change du jour au lendemain, surtout quand il s’agit de la bonne direction. Notre guide-interprète me dit qu’il était aussi du même avis, surtout avec cet homme qu’il traitait de tous les noms. Mais il avait l’air persuadé que c’était finalement possible.
Oui ? Ah, les chameaux sont prêts à partir ! Deux secondes, et j’arrive !
Bon, je vais écrire le reste demain. Ah, je note quand même un détail pendant que j’y pense : quand j’ai retrouvé le guide-interprète hier soir, il était dans un état… Le petit homme sur l’arbre lui aurait remboursé une sacrée somme d’argent. Le guide-interprète était tout heureux. Et depuis, il nous raconte plein d’histoires concernant l’autre homme au milieu de la foule. Oui, celui qui s’est adressé au petit homme sur l’arbre. Je me demande bien qui c’est, et ce qui a bien pu se passer entre eux.
Oui, oui, j’arrive !

mardi 21 janvier 2014

Religions en Corée du Sud

La semaine dernière, "A vue d'esprit", un des programmes religieux de la radio suisse romande, s'est intéressé aux religions en Corée. Intitulant la série "En Corée du Sud, dans le chaudron des religions", elle a consacré cinq émissions respectivement aux :
Si vous avez envie d'écouter les émissions (auxquelles Julie avait donné un grand coup de main lors de son voyage en Corée en novembre dernier), il suffit de cliquer sur la liste de liens (sur le site de l'émission, cliquez sur "écouter"). En ouvrant ce lien, vous ouvrirez aussi une fenêtre sur ce pays où on n'a pas peur ni honte de parler des sujets religieux, sobrement, passionnément, amicalement autour d'un verre...

"Hautes fréquences", un autre programme religieux de la RTS, revient sur l'essentiel de l'émission du 14 janvier. Un invité coréen essaie d'y apporter un peu plus de nuances. Si vous avez envie de l'écouter, cliquez ICI ("Le triomphe ambigu du christianisme coréen").

(photo : Hunjeong CHO, pasteur coréen de l'Eglise Hyang-lin, engagée dans l'action sociale, la réconciliation avec le Nord et la réforme du protestantisme coréen. On l'entend dans l'émission du 17 janvier.)